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Le dé et l'aimant   PDF  Stampa  E-mail 


Au cours des années, l’écriture de Valère Novarina s’ouvre aux formes du monde : de ses voyages, la voix d’Oum Kalsoum, les fresques de Paolo Uccello à Florence, les chansons russes de Bielka, le pont qui sépare le public des acteurs dans le Nô, le chant d’un muezzin à Istanbul au coucher du soleil, la décomposition du geste chez Totò et le mur d’Israël qui garde les pleurs ont pris corps en lui. Les images se sont ouvertes en accueillant un savoir pas encore clos, qui naît d’intuitions formelles, de consonances découvertes soudainement, d’inattendus jumelages d’un art à l’autre.
La recherche à l’intérieur des formes établies semble ne plus l’intéresser depuis quelque temps: ses questions interrogent maintenant ce qui rend possible la fusion des différentes limites des arts. Pour en découvrir la loi la plus secrète, il laisse des expressions différentes s’entremêler, se rencontrer autrement, échanger leurs langages et leurs espaces. Par l’encre des dessins, par les mots qu’il confie à ses acteurs, par le toiles qui teignent les scènes, par les récurrences de son discours, un regard nouveau affleure, focalisé sur la découverte d’une " sur-forme " qui modifie la perception.
Chez Novarina, une forme mobile est en train de se dessiner, une forme faite de sons, d’espace, de mouvement. Un aleph des arts où tout est visible et où tout se croise. Multum in parvo était la définition de l’aleph de Borges. Ce où Valère Novarina est tombé et où il s’abandonne à la découverte est conséquence de son ouverture, de ses voyages, de ses rencontres : comme s’il voyait et devinait de ce mystérieux endroit, clos en son for intérieur, des choses dont il ne soupçonnait pas l’existence. Dans sa chute, et le mot apparaît de plus en plus souvent, il semble laisser le sens se dépayser, comme si dès lors il écoutait la peinture, voyait la musique, regardait la langue, lisait la couleur. On peut repérer les traces de ce clivage dans ses titres, qui ouvrent des gouffres, souvent plus vertigineux dans l’expérience de la traduction : Je Suis, faut-il le suivre ou l’être ? La lumière nuit, est-elle sombre ou nuisante ? Prenons Devant la parole : est-ce qu’il nous demande de la donner, ou se mettre en face d’elle, devant ? Les deux, mais en même temps ni l’une ni l’autre. Novarina n’est pas devant mais dans l’œuvre : il l’offre et il s’y perd. Pris dans les courants qu’elle crée, il se laisse porter, comme lorsque, devant le Christ Mort de Mantegna, il se plie à genoux dans la salle, car “la peinture nous plie à son espace ; elle nous emporte dans l’espace avec elle”.
Depuis le début, depuis les années soixante, la visibilité de son écriture a été marquante : la raison réside – si l’on exclut la beauté de la langue et la richesse des images qu’il forge sur le papier – dans la structure qu’il lui a imposée. Trois modalités sont à l'œuvre dans son écriture : la nomination, l’énumération, la répétition.
Nommer est un appel à la vie qui convoque sur scène des images, des figures et des voix. La page et l'espace scénique se peuplent ainsi de personnages vocaux qui se reproduisent jusqu'à surcharger de sons l'espace destiné à l'action. Par l’énumération, Novarina abandonne la psychologie : il dresse des listes, raconte, subdivise, distingue, distribue. Il fait en sorte que la parole trouve sa place dans l'espace et qu’elle se classe. La répétition, enfin, est la base de toute formule magique ; dans la répétition l'écoute se laisse conduire jusqu'à l'hypnose, en zones d'abandon et de non défense, de somnolence attentive, prête à saisir d’autres liens, d’autres sons qui s’impriment à l’insu de toute volonté.
Ces trois modalités sont pourtant liées au temps. Elles sont basées sur le retour, et leur cyclicité engendre une position d’attente : lorsque une de ces manières apparaît, elle crée un mouvement d’identification des traits communs ; un enchaînement dans les énumérations, un courant dans les nominations ou les appels. Reconnaître une forme engendre une émotion de similitude, de reconnaissance, laisse croire qu’elle n'est pas un être étranger, pas l’Autre. L’attention est capturée par la non-étrangeté apparente, et le sens peut s’effacer sous le mouvement : ainsi, une langue construite s’impose comme familière.
Cette logique, qui a dicté la construction de sa page, a été si définie et précisée qu’elle a tracé un sillon et créé un style. Mais la langue qui jaillit d’une composition ainsi structurée n’est pas naturelle : elle se présente soudainement comme être Autre auquel il faut s’ouvrir. Cependant, dans les dernières années, le changement de vision de Novarina s'est glissé dans son œuvre, et c’est la structure compositive qui a été attaquée. La page s’ouvre différemment aux sons, les images s’entremêlent, la pratique du dessin laisse apparaître des traits plus ronds, même la forme de l’écrit s’adoucit. L’acteur de ses dernières pièces doit faire face à un mouvement de masses qu’on pourrait définir sonores ou chromatiques, orales ou spatiales, et qui donnent à son écriture tout comme au trait de ses dessins une ouverture qui n’appartient pas aux désirs d’ordre et de classement.
On peut dire que Valère Novarina a voulu secouer l’écriture. Dès les premiers textes, il écoute et il regarde la page : il attache au mur les textes imprimés en caractères minuscules, et il s’y promène dedans. Ainsi elle se compose. Après, il enivre le spectateur avec des longues listes dans lesquelles la parole s’érige, retombe en volutes, se gonfle et respire, pour tenir dans sa portée tous les noms de dieux, ou une liste d’oiseaux, ou une fugue d’herbes. Son acteur arrive sur scène sans situation, sans histoire à raconter, sans même un personnage à assumer.
Après avoir vu le Pinocchio de Carmelo Bene, Novarina a été saisi par son idée d’un Théâtre sans spectacle, qu’il pratiquait déjà –sans l’avoir nommé- à travers la soustraction d’éléments dramatiques.
Sur la scène de Novarina apparaissent des voix, des noms, des images qui ne doivent pas se lier à des personnages, à des situations, à des trames. Son acteur est plutôt une figure de langue : c’est le personnage qui appartient à la parole, non le contraire. Le conflit oral qui oppose langue et parole est en réalité un don qu’il fait à l’acteur. Il a toujours écrit ou peint ayant attention pour les poids, les briques porteurs, les voûtes et les creux. A l’époque de la Lettre aux acteurs, en 1968, il avait contraint l’écriture dans des mesures pensées d’avance pour pouvoir ainsi libérer la langue de ses habitudes, et laisser que des images, des rythmes et des consonances apparaissent. Il l’a fait, jusqu’au point où l’écriture a pu l’endurer. Mais ce qui au début était recherche d’une forme nouvelle, est devenu maintenant quête d’universalité. Valère Novarina semble attendre l’apparition de la forme : il s’arrête, écoute, se laisse traverser par elle. Qu’il s’agisse d’un dessin, d’une ligne, d’une parole, d’un spectacle, lorsque il écrit, ou peint, ou dirige les acteurs, une mer se gonfle, tumulte, ressort du fond avec ses trésors cachés sous le sable et arrondis par les vagues. Cette docilité a affaibli ses impératifs et, depuis, il a commencé à écrire dans ses toiles, à colorer ses scènes et à jouer lui-même dans ses pièces. Si la couleur disparaît des spectacles, elle retombe dans les toiles, jusqu’à hier rigoureusement en encre de chine rouge et noire. Et ses figures peintes, dessinées par traits, semblent avoir été des définitions de limites : toute image existait par ses contours toujours ouverts, toujours marqués. Ses derniers dessins, exposés à Valence en janvier, semblent au contraire avoir sauté la marche ; ils sont sortis de leurs seuils et se sont remplis de matières, de formes, de rondeurs et de mouvement.
Comment cette langue peut-elle endurer le voyage dans une autre langue ?
La langue maternelle est une terre qu’on habite : le rapport à elle est dicté par la familiarité. On y repère des échos d’enfance, des tracés que l’on longe inconsciemment, des liaisons, des points de force. Avec elle, aucun savoir extérieur n’est demandé, mais plutôt une relation de similitudes connues et sues s’installe spontanément.
Par contre, une langue étrangère ouvre des gouffres soudains : une énorme architecture obéissant à des règles compositives souvent mystérieuses s’offre à la rencontre. Elle est l’Autre de soi. Sa première différence est dans son mouvement : toutes possèdent un rythme propre, mais chacune a aussi des gestualités dictées par les différents modes de vie qu’elle habite.
Si la langue est maternelle, sa gestualité est saisie sans recours à un savoir. Elle est su par la bouche, par l’oreille. Lorsque, par contre, elle est étrangère, les éléments porteurs deviennent visibles. On a alors l’impression de voir les clous, les vis, les axes, les voûtes. Ou plutôt les ossements, les veines, le grain de la peau, la musculature. Et la langue révèle ainsi son caractère vivant et unique, rendu singulier par son corps, ses dons, ses manques.
Or, la traduction permet de toucher la langue : rien n’est plus exposé, rien n’est plus nu que l’écriture. Chez Valère Novarina il y a, sous l’architecture visible, une autre structure qui obéit à des relations de proximité. Si une origine latine fait surface, c’est un grand corps organique qui se montre, un corps où les mots et leur mouvement sont liés par une métrique qui devient forme. Une harmonie spontanée affleure dès qu’une origine latine gisant sous un mot arrive à provoquer des vertiges d’appels secrets dans la page qu’elle chavire.
La question devient alors : comment rendre dans la nouvelle langue l'univers non seulement d’un auteur mais de la langue originelle ?
Je crois qu’on peut être fidèle uniquement par équivalences, pour respecter les différentes ombres de chaque langue. Et plus elle est ancienne, plus son ombre se propage autour d’elle.
En français persiste une distinction nette entre mot et parole, qui en italien est disparue : les deux vocables sont traduits par parola.
Je vous soumet une briève divagation éthimologique, qui me semble intéressante. Mot, viens du latin muttum, mutire " parler entre les dents ", et pour le Larousse carrément de muttum, " grognement, cri des pourceaux ", tandis que parole viens du latin ecclésiastique parabola et garde l’idée plus large d’ " enseignement, discours ".
Alors, comment traduire un texte dont le titre est justement Devant la parole et qui s'interroge sur la nature de la parole et sur son pouvoir de résistance ? Comment creuser les interrogations profondes de Valère Novarina tout en gardant l'univers qui les couve, les laisse jaillir et les évoque ?
Toutes les fois qu'une image résiste, ne veut pas glisser d'une langue à l'autre, peine à changer de références, de corps et donc, finalement, de sens, ce sont des équivalences qui surgissent de la page, et ainsi la gendrée du Théâtre des paroles révélait l’idée d’une génération construite sur l’image de la mer. Et, en voyant en italien les mêmes images, d’autres paroles arrivaient à la page, comme le macabiat qui contenait le cadavre, en devenant cadaverame.
Prenons le cas du dé et de l’aimant. Les deux ont une étymologie qui en ouvre le sens. Le mot dé vient du latin datum, et il contiens l’idée de donner.
L’aimant viens du grec adamas. L’aimant est le diamant. Mais on y ressent, sous l’étymologie, l’amour qui attrait, qui déplace les choses sous sa force calamiteuse. Il faut écouter les langues, pour saisir l’amour de la calamite et pour voir l’offre du dé. Les racines peuvent engendrer d’autres images.
Avec Valère Novarina on a découvert le chandail, vieux pull de ceux qui arrivaient des campagnes en ville pour vendre leurs produits au marché, les marchands d’ail. L’aimant en italien est la calamita, qui n’aime pas, le chandail il maglione, qui ne sent pas la campagne. Dans les deux sens, les paroles parfois s’arrêtent.
Il faut passer par l'expérience physique de l'écriture. C’est grâce à Valère Novarina que je l’ai découvert : pendant le travail de traduction et d'adaptation du Discours aux animaux, nous avons collé au mur ses deux versions pour la scène, L'Animal du Temps et L'Inquiétude, en format réduit, à la verticale devant nous. Cet être, qui est parfois un livre, parfois un spectacle, mais souvent passe d’une dimension à l’autre par une traduction, une nouvelle mise en scène, et encore une autre langue, un autre corps d’acteur, possède ses formes, ses appuis et son mouvement, possède une nature et des connotations uniques. Mais on en voit la structure lorsque le livre est devenu rouleau, matière. Nous avons arpenté le volume, les pages, la composition par masses, les récurrences et les forces qui tiennent le livre. J'ai vu monter une liste qui nous submergeait, j'ai mesuré la forme de l'appel enchanteur, j'ai senti le poids des mots-pierres, clefs de voûte qui règlent l'équilibre du flot. J’ai compris que c’est la vision de la composition qui en révèle la structure. En 1989 la traduction italienne du Théâtre des paroles commençait. Expérience première et terrifiante : ce livre possède des moments de pure vertige verbale, comme le texte Drame dans la langue française. Mais, sous les difficultés, l’Autre apparaît: une langue ferme venait à ma rencontre, et le problème de la fidélité s’est posé dans tout son énigme.
D’un livre à une toile, un parcours se tisse, un parcours qui suit un chemin non encore fini. Et, encore une fois, on suit Valère Novarina. Dans sa marche éclairée par un pouvoir rabdomancien d’unir ce qui semblait désuni et de donner à toute image une lumière et un isolement qui lui permettent de rayonner.
On le suit dans sa quête, dans son silence dense et peuplé, dans ses lectures soufflées jusqu’à la limite de la tenue de la voix, dans sa recherche d’une forme pure que puisse accueillir le mouvement de toutes les formes, juqu’au seuil de son aleph d’où il nous raconte la vertige de la forme.

Testo per il convegno Allez annoncer partout que l’homme n’a pas encore été capturé, sotto la direzione di Louis Dieuzayde, Université de Marseille, 3-5 mai 2002


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